Après 24 ans de règne sur la mairie de Montreuil (93), Jean-Pierre Brard a été battu par Dominique…

Après 24 ans de règne sur la mairie de Montreuil (93), Jean-Pierre Brard a été battu par Dominique Voynet dimanche 16 mars. Revanche politique pour Voynet après une longue période de doute, ce vote témoigne du changement que connaît la ville depuis plusieurs années, ainsi que du ras-le-bol d’une partie de la population contre un système établi depuis près d’un quart de siècle.

Soirée électorale à Montreuil (93) dimanche 16 mars 2008. A 22h, les résultats sont connus de tous depuis longtemps, et Jean Pierre Brard n’est toujours pas là. Les Montreuillois ont afflué vers la salle des fêtes de la mairie désormais remplie. Dominique Voynet, entourée de ses colistiers, savoure. Il y’a deux semaines, peu de gens auraient parié sur l’ancienne ministre verte du gouvernement Jospin, accusée de diviser la gauche quand le maire sortant, Jean Pierre Brard recevait les soutiens de Marie Georges Buffet, et Julien Dray. Dominique Voynet dira plus tard avoir triomphé sur « la liste des appareils », et « les logos en brochette. » Derrière elle, ses partisans réclament : « Les résultats ! Les résultats ! »

Fin de règne

Jean Pierre Brard débarque finalement sur la scène, entouré de ses fidèles et de ses gardes du corps. Il prend son temps pour proclamer les résultats, insistant sur chaque syllabe, comme s’il voulait faire croire qu’il est toujours le chef. Alors qu’il annone, solennel, les résultats des cantonales, une femme crie vers l’estrade : « C’est fini Monsieur Brard ! C’est fini ! »

Quand il quitte la scène, c’est pour disparaître. Derrière lui, quelques-uns se mettent à scander « La retraite ! La retraite ! ». Trois jeunes acquis au vieux maire, qui l’entouraient à la tribune, fulminent, presque menaçant : « C’est chez nous ici, on se retrouvera, c’est chez nous Montreuil ! »

La revanche de Voynet

Après son discours, Dominique Voynet goûte sa victoire. Elle est magnanime avec son adversaire, celui que son camp n’hésitait pas à traiter de « stalinien » quelques jours auparavant, beaucoup moins avec les journalistes. Son sourire triomphant se fait revanchard. Sa rancœur refait surface quand elle s’emporte contre ceux qui l’avaient oublié, ceux qui n’avaient pas vu venir sa victoire, ceux « qui s’apprêtaient à titrer : nouvel échec cinglant pour les verts. »

« La droite a parlé »

N’en déplaise à Dominique Voynet, sa victoire est une surprise qu’on peut analyser, et commenter. Les partisans de Brard, en tout cas, ne s’en privent pas. Pour eux, pas de doute, « la droite a parlé. » Il est en effet très probable que les électeurs de droite ont préféré la liste sans étiquette de Voynet à l’alliance de la gauche et l’étiquette communiste du maire sortant. Du 1er au 2ème tour, Jean Pierre Brard n’a gagné que 1618 voix, quand Dominique Voynet voyait ses électeurs passer de 8741 à 14468.

Victoire des bobos ?

Pour une électrice de Brard, assise au premier rang pendant la soirée, le report des voix de l’UMP et du MoDem n’est pas la seule explication à cette remontée de la candidate verte : « Montreuil change, soupire-t-elle. Il faut être honnête, c’est un peu la victoire des bobos. »

Un vote contre le système Brard

Jamila Sahoum, candidate sur la liste Voynet, admet à demi-mot ce changement de la population de Montreuil, mais tient à préciser que sa tête de liste a également fait de bons scores dans des quartiers « défavorisés ». Elle veut croire à un vote d’adhésion, mais reconnaît qu’il s’est surtout agit d’un vote contre Brard, contre un système et contre un personnage.

25 ans, ça fait beaucoup

C’est un peu ce que nous diront certains jeunes à la sortie de la mairie. Brard s’était attaché les jeunes d’une cité en particulier, la Noue, dont certains embarquaient les autres pour aller voter, mais en dehors de celle-ci, ses soutiens étaient beaucoup moins inconditionnels. « Brard, il voulait nous acheter avec des voyages, mais y avait rien derrière ». « Ca fait 25 ans qu’il était à la mairie, ça fait beaucoup. Avec Voynet on espère que ça va changer un peu. »

Ce dimanche soir, on avait le sentiment que Montreuil avait déjà beaucoup changé.

Joseph Hirsch

Image et montage : Joseph Haley